les bombes chimiques confirmées

A ce jour, des dizaines de milliers de produits chimiques sont disponibles sur le marché : on en comptabilise 100 000 dans l'Union européenne et 80 000 aux Etats-Unis. Or, moins de la moitié ont fait l'objet de tests d'évaluation de leur toxicité. Pour 80 % d'entre eux, aucune information n'est disponible sur les effets que ces substances pourraient avoir sur le développement du cerveau de l'enfant.
Cinq produits - plomb, méthyle, mercure, arsenic, polychlorobiphényle (PCB) - et des solvants, comme le toluène, ont une neurotoxicité connue qui affecte le développement. Trois autres - manganèse, fluorures et perchlorates - sont suspectés de causer des troubles de la mémoire, des troubles du comportement et des retards intellectuels.
"ENORME ICEBERG"
Ces produits pourraient n'être que "la partie émergée d'un énorme iceberg", affirment les auteurs de l'étude, qui rappellent la vulnérabilité du cerveau humain au cours de son développement. La preuve de la toxicité chez l'adulte n'est aujourd'hui connue que pour 202 produits. Pour un millier d'autres, elle n'a été démontrée qu'en laboratoire mais ces tests ne prennent pas en compte les fonctions neurologiques supérieures.
Le plus souvent, une substance est identifiée comme toxique chez l'adulte lors d'expositions professionnelles ou d'empoisonnement et, pour l'enfant, lors d'intoxications aiguës. Ce n'est que dans un second temps qu'apparaissent des données épidémiologiques sur les déficits comportementaux chez les enfants exposés au cours de la grossesse à des concentrations inférieures à celles qui sont toxiques pour l'adulte.
Les effets se font souvent sentir à long terme. Ce fut le cas, soulignent les deux chercheurs, avec "l'exposition au plomb présent dans l'essence des enfants des pays industrialisés nés entre 1960 et 1980". C'est aussi celui des pays en voie de développement, où une réglementation moins contraignante autorise l'exportation, malgré leur toxicité, de certains pesticides.
L'article du Lancet rejoint ainsi les préoccupations de l'Appel de Paris, lancé le 7 mai 2004 et signé par plus d'un millier de scientifiques dans le monde - dont plusieurs Prix Nobel - et 1 500 organisations non gouvernementales. Dans un mémorandum, rendu public jeudi 9 novembre et adressé notamment aux 25 Etats membres de l'Union européenne, les signataires proposent "164 mesures à mettre en oeuvre (...) afin d'éviter ou d'atténuer les crises de santé publique".
Les mesures proposées par l'Appel de Paris
Le mémorandum de l'Appel de Paris, rendu public jeudi 9 novembre, demande "le retrait du marché" des substances chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction comme le formaldéhyde, certains phtalates (DEHP), le bisphénol A, le cadmium et le mercure, et de leurs dérivés. L'appel souhaite également le "renforcement du projet de règlement européen" sur ce sujet (Reach). Il préconise une "autorisation de mise sur le marché des pesticides, additifs alimentaires et cosmétiques, selon une procédure réglementaire comparable à celle utilisée pour les médicaments". Les signataires de ce texte appellent enfin à une réorientation du 7e programme cadre de la Communauté européenne pour la recherche et le développement technologique, en faveur de l'écologie et de la prévention des maladies environnementales.