Incinérateurs de Rhône-Alpes: le communiqué de l'Ademe de 2003

Publié le par NOUZILLE

L'étude sur les malformations congénitales et la proximité des incinirateurs, pilotée par l'Inserm, avec le soutien de l'Ademe, a fait l'objet, en mai 2003 d'une communication de cet organisme public en charge de la maîtrise de l'énergie et de l'environnement.
Plutôt favorable à l'incinération, l'Ademe reconnaît, dans un communiqué (voir ci-dessous), le sérieux de l'étude, explique que les 70 incinérateurs de la région Rhône-Alpes émettaient des "quantités de polluants significativement supérieures aux teneurs imposées par les réglementations"....
Au sujet des résultats de l'étude, elle admet que le "niveau de risque semble lié au niveau cumulé de pollution émise par ces usines d'incinération..."
Mais l'Ademe estime que le lien de causalité entre les incinérateurs et les risques de malformations ne sont pas prouvés, et que les nouveaux incinérateurs ne sont pas dangereux....
Le communiqué est consultable à l'adresse web:
www.ivry94.fr/sites/web/fichier/inserm_ademe.pdf
ou ci-dessous:
Etude de l'INSERM sur les malformations congénitales au voisinage d'usines d'incinération : Evaluation du risque de malformations congénitales liées à la proximité d'incinérateurs d'ordures ménagères. Etude INSERM septembre 2002
Interprétations et conclusions de l'ADEME Mai 2003

Points clés L
'INSERM a réalisé entre 2000 et 2002, avec un financement de l'ADEME, une étude épidémiologique visant à apprécier les risques de malformations congénitales au voisinage d'usines d'incinération d'ordures en service entre 1988 et 1997 dans la région Rhône-Alpes(1). Si cette étude scientifique fournit des résultats multiples et intéressants, les conclusions sont néanmoins extrêmement nuancées. Cette étude met en lumière une augmentation de certaines malformations au voisinage des usines d'incinération de Rhône-Alpes, sans pour autant permettre de conclure quant à l'existence d'un lien de cause à effet entre les incinérateurs et les malformations. En effet, compte tenu de l’implantation géographique de ces usines, d'autres facteurs de risques, comme le trafic routier par exemple ou le niveau d'urbanisation, pourraient également contribuer à expliquer cette augmentation. Cette étude a été réalisée à partir d’un parc d'incinérateurs émettant des quantités de polluants (notamment dioxines) significativement supérieures aux teneurs imposées par les réglementations (arrêtés de 1991 et 1997, directive européenne de 2002), le rendant non-représentatif du parc actuel en Rhône Alpes, ni des usines modernes construites récemment ou actuellement en projet. Considérant par ailleurs que les diverses évaluations de risques sanitaires réalisées récemment (2) tendent à confirmer que les usines d'incinération modernes occasionnent des risques pouvant être considérés comme négligeables, cette étude confirme surtout la nécessité de poursuivre les actions engagées pour que l'ensemble des usines d'incinération de France soit mis au niveau des plus récentes. Ainsi, une incinération moderne avec valorisation énergétique continue d'avoir toute sa place dans la politique de gestion des déchets ménagers, en complément d'objectifs forts de prévention et de recyclage, ces dispositifs entraînant, dans une certaine mesure, une réduction des quantités à incinérer.

L'objectif de l'étude de l'INSERM était de comparer la survenue de malformations congénitales entre des populations considérées comme exposées aux retombées des usines d'incinération (c'est à dire voisine des incinérateurs) et des populations considérées comme non exposées (plus éloignées). Cette étude a été réalisée sur la région Rhône-Alpes où 70 incinérateurs ont été en service entre 1988 et 1997.
Faute de données précises, les niveaux de pollution des usines sur la période d'étude ont été estimés par des experts et les retombées ont été évaluées à l'aide de modèles informatiques de dispersion. Les communes de la région ont ainsi chacune été classées, pour divers polluants (poussières, métaux lourds, dioxines, ...) dans les catégories "exposée" ou "non exposée". L'existence d'un registre régional recensant les malformations a permis la compilation de données de nature médicale, en particulier la survenue de diverses malformations congénitales selon les communes de résidence des populations.
A partir de ces données, il a été possible de procéder à une comparaison entre les taux de malformations survenues chez des personnes résidant dans des communes considérées comme exposées et des communes considérées comme non-exposées.

Les principaux résultats et leurs nuances
L'étude permet de constater, d'une façon générale, que des malformations congénitales sont statistiquement plus fréquentes dans les communes considérées comme exposées que dans les communes considérées comme non exposées aux retombées des usines d'incinération. A un niveau de détail plus fin, on constate que l'augmentation de malformations apparaît marquée de façon plus significative pour certains types de malformations. En outre, le niveau de risque de certaines malformations apparaît d'autant plus important au voisinage des usines d'incinération qui émettaient le plus de polluants.
Mais une analyse plus approfondie des résultats indique que le lien de cause à effet entre l'exposition aux retombées des usines d'incinération et l'augmentation du nombre de malformations ne peut être établie de façon catégorique. En effet, la plus grande fréquence des malformations congénitales dans les communes considérées comme exposées peut être :
• soit due à un lien de causalité,
• soit due à un phénomène de biais (facteur de risque concurrent) important ou à grand nombre de facteurs de confusion moins importants.
Ainsi, les auteurs de l’étude estiment au vu de leurs résultats que le trafic routier est un facteur de confusion significativement important dans l’ajustement des modèles réalisés sur les populations exposées, d’autant plus qu’ils constatent qu’en s’intéressant aux seules communes de moins de 50 000 habitants, l’association entre exposition aux émissions des UIOM et risque de malformation congénitale n’est plus confirmée. l'adresse en début de grossesse ou par une estimation inexacte du niveau de pollution émis par certaines installations. Les conséquences de ces erreurs pourraient être sensibles sur certaines tendances des résultats.
Par ailleurs, le mode de vie, l'alimentation, l'ancienneté dans la résidence, l'éventuelle exposition professionnelle sont autant de facteurs qui n'ont pu être intégrés dans l'analyse.

Les conclusions de l'ADEME
Pour l'ADEME, cette étude scientifique, approfondie et de qualité, illustre bien la difficulté qu'il y a à synthétiser des résultats complexes sans les trahir, notamment à destination de non spécialistes. Elle illustre également la nécessité de bien situer les apports des travaux scientifiques par rapport au contexte général afin, en particulier, de ne pas en tirer de conclusions erronées.
Il convient de noter que le parc d'incinérateurs étudié présentait plusieurs caractéristiques fortes, le rendant non-représentatif des usines modernes construites récemment ou actuellement en projet :
- d'une part, il comportait de très nombreuses installations de faible capacité (3), dotées de technologies de four anciennes (la conception des fours agit directement sur le niveau de production de polluants, avant système de filtration),
- d'autre part, il comportait des installations aux performances très variées. Aucune des installations ne fonctionnait totalement selon la réglementation désormais en vigueur (en particulier en terme d'émissions de dioxines), et de très nombreuses installations émettaient des polluants dans des quantités très largement supérieures aux prescriptions actuelles (4).
Le parc régional d'incinérateurs a considérablement évolué depuis : fin 2002, le nombre d'unités en fonctionnement en Rhône Alpes était de 16, dont 8 ont fait l'objet d'un accompagnement technique et financier de l'ADEME afin de respecter les normes européennes, en particulier le taux d'émission de dioxines. Les fermetures trouvent leur origine dans la mise en œuvre des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers ou dans le respect des échéances réglementaires.

Les résultats de ces travaux de l'INSERM ne permettent pas de tirer de conclusions catégoriques quant à l'impact sanitaire des incinérateurs sur les personnes résidant à proximité, et des investigations complémentaires pourraient notamment permettre de préciser et affiner certains enseignements.
Pour des installations n'atteignant pas les prescriptions réglementaires actuelles, les résultats indiquent une présomption d'augmentation des risques pour des populations résidant au voisinage d'usines d'incinération ; Le niveau de risque semble lié au niveau cumulé de pollution émise par ces usines d'incinération.
Les résultats de cette étude apparaissent globalement cohérents avec d'autres études sanitaires au voisinage d’incinérateurs de déchets qui ont émis des quantités importantes de polluants. On relève en effet l'existence d'études épidémiologiques ayant fait le constat d'excès de cas de certaines maladies au voisinage d'un incinérateur émettant des quantités importantes de dioxines (5).
En raison de ces incertitudes, il convient de veiller au respect strict de la réglementation communautaire. Cela confirme le bien fondé d'une action forte à l'encontre des installations non conformes, des travaux de modernisation exigés par la réglementation depuis 1991, visant à diminuer le niveau de polluants émis, et la nécessité d'être très vigilants dans le suivi des mises en conformité à venir, voire de les anticiper (échéance de 2005).
Les usines d'incinération respectant les normes les plus récentes émettent des quantités de polluants significativement inférieures à celles des usines concernées par l'étude (environ 10 à 100 fois moins pour les dioxines). Les résultats de l'étude de l'INSERM ne peuvent donc pas être transposés à ces usines ; et l'étude ne fournit pas d'éléments permettant de supposer une augmentation des risques de malformation congénitale autour de ce type d'installations. Plusieurs évaluations de risques sanitaires (6) réalisées tendent à montrer que les usines d'incinération fonctionnant selon les normes de la directive européenne présentent des niveaux de risques négligeables.
Cette étude ne remet donc pas en cause le besoin ressenti par l'ADEME de construire de nouvelles unités d'incinération performantes dans une politique globale de gestion des déchets reposant sur la prévention, le développement du recyclage et un traitement performant de l'ensemble des déchets résiduels.
Ce besoin de nouvelles installations se justifie en effet à la fois par la nécessité de disposer de nouveaux exutoires (augmentation des quantités de déchets, saturation des centres de stockage, ...) et par le besoin de renouvellement du parc d'incinérateurs existants.
Cette étude ouvre également plusieurs champs d'investigations. Dans le domaine des déchets, elle fait ressortir notamment le besoin d'approfondissement des connaissances autour d'usines d'incinération respectant les normes récentes. Au-delà des déchets, elle soulève des interrogations concernant le rôle que pourrait jouer l'intensité du trafic routier dans l'augmentation du nombre de certaines malformations, que ce soit au voisinage d'usines d'incinération ou non.

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1 Evaluation du risque de malformations congénitales liées à la proximité d'incinérateurs d'ordures ménagères. Etude INSERM septembre 2002
2 Ouvrage de la Société Française de Santé Publique SFSP "L'incinération des déchets et la Santé Publique : Bilan des connaissances et évaluation du risque", Institut Universitaire d'Hygiène et de Santé Publique : "Evaluation du risque pour la santé lié aux émissions des incinérateurs soumis aux nouvelles valeurs limites de l'union européenne", diverses études locales, ...
3 Au début de la période d'étude en 1988, on comptait 37 incinérateurs de capacité inférieure à 1 t/h, 18 incinérateurs de capacité comprise entre 1 et 3 t/h et 6 incinérateurs de capacité comprise en 3 et 6 t/h.
4 La plupart des usines concernées par l'étude respectaient la réglementation à laquelle elles étaient soumises. Cette réglementation était cependant moins stricte qu'aujourd'hui et très variable selon les tailles des installations et leur année de mise en service. Ainsi, même les incinérateurs les plus performants au moment de l'étude émettaient certains polluants (dioxines) dans des quantités supérieures aux limites fixées aujourd'hui.
5 Notamment l'étude de Viel et al : "agrégats de sarcomes des tissus mous et de lymphomes non hodgkiniens autour d'une usine d'incinération émettant des taux élevés de dioxines" American journal of epidemiology, 2000.
6 Type d'études visant notamment à quantifier les impacts sanitaires associés à l'émissions de polluants toxiques sur des populations exposées.
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